Depuis que la Géorgie est Géorgie, elle chante. A tue-tête. Les parents avec les enfants, les amis entre eux, les participants aux fêtes des villes et des villages, les visiteurs d’un soir …. Ils
chantent tous ces chants polyphoniques géorgiens qu’il suffit d’entendre une fois pour avoir envie de les chanter… et de les rechanter. Chacun sait d’instinct où placer sa voix.
Comme dans un ballet dont la chorégraphie s’impose d’elle-même.
Ce sont des chants à trois voix, la haute, la moyenne et la basse, qu’on divise en première, deuxième et troisième voix. C’est souvent la deuxième voix qui débute, mais pas nécessairement. On
chante à toutes les occasions, les retrouvailles et les séparations, les vendanges et les moissons, les mariages, les naissances et les funérailles mais aussi sans aucune occasion particulière,
juste pour être ensemble. Et bien entendu, ces chansons populaires accompagnent les banquets, cette tradition typiquement géorgienne où le maître de la table, le tamada, lance une série de toasts
auxquels les invités répondent tour à tour par des éloges bien tournés.
Les plus célèbres de ces chants polyphoniques géorgiens sont les chansons à boire ou les chants de table dont font partie les « Mravaljamieri » (ou Longue Vie en géorgien) nés dans les régions
viticoles de l’est du pays. Il ne s’agit jamais de chansons grivoises. Les visages sont graves, les mélodies aussi. Ce qu’exaltent les participants au banquet, c’est la tradition géorgienne
et la Géorgie, ce petit pays qui a souffert de voisins envahisseurs (Perse, Turquie, Russie).
Si les chants de travail et les chevauchées sont le plus souvent chantés par des voix masculines, les berceuses sont, elles, typiquement féminines. La plupart de ces dernières sont des
incantations pour la guérison des enfants malades. La polyphonie géorgienne est également entrée dans l’Eglise et les chants liturgiques en géorgien (qui furent bannis au XIXe siècle
quand la Russie tsariste supprima l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe géorgienne). Mais en dépit de cette répression suivie de la soviétisation au XXe siècle, ces chants ont été préservés et
transmis par les mouvements patriotiques.
Les chanteurs s'accompagnent de différents instruments de musique, le pandouri (luth à trois cordes), le tchangouri (luth à quatre cordes), le salamouri (longue flûte à bec, initialement utilisée
par les bergers), le doudouki (sorte de hautbois pratiqué dans tout le Caucase) mais la plupart du temps les choeurs chantent a capella. Les chants liturgiques sont, eux, toujours chantés a
cappella, très sobrement.
Proclamé en 2001, le chant polyphonique géorgien a été officiellement inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco en
2008.