La Touchétie, cette région montagneuse de Géorgie peu connue est une des plus inaccessibles du Caucase. On y accède par une seule route, construite au début des années 60, dont l’entrée passe par un col à 3.000 mètres d’altitude, enneigé plus de la moitié de l’année. On dit aujourd’hui que cette route est une des plus dangereuses du monde. C’est sans doute la raison pour laquelle peu de touristes se risquent encore à s’aventurer dans ce massif du nord-est de la Géorgie. Les plus hardis le découvrent à pied et sac au dos.
Ce serait une erreur de céder à la facilité et d’ignorer cette région dont les pics culminent à 4500 m et où les villages perchent à 2.000m. Comme la Svanétie, au nord-ouest, la Touchétie rassemble une série de villages à l’entrée desquels se dressent des tours de guet, comme autant d’avertissements aux possibles envahisseurs et surtout aux pillards venant des régions voisines du Daghestan et de Tchétchénie. A Omalo du haut, le plus grand des villages, pas moins de six tours dressées sur un piton rocheux, les plus anciennes datant du XVe siècle accueillent encore les visiteurs. L’une a été transformée en musée, avec en bas le foyer et le logement, et en haut l’exposition d’objets divers de la vie de tous les jours et de l’exploitation agricole. Les autres ont servi à tous les usages au fil des siècles : de la défense au stockage du grain.
Aujourd’hui, seule une poignée de sédentaires vit à l‘année à plus de 2000m d’altitude. La plupart des habitants, qui vivaient autrefois en autarcie, ont migré pour l’hiver vers les plaines de Kakhétie depuis la construction de la route. Les bergers reviennent avec leurs troupeaux dès le mois d’avril. Ils resteront sur leurs pâturages jusqu’à la mi-octobre. Aujourd’hui c’est le tourisme qui aide la région à survivre. Les habitants les plus entreprenants ont créé une série de maisons d’hôtes et de petits hôtels familiaux qui reçoivent pendant la saison sèche les randonneurs et les cavaliers attirés par les paysages vertigineux de la région, ses cascades et ses crêtes, ses sentes et ses vallées secrètes. La plupart des établissements qui accueillent des touristes sont situés à Omalo du bas.
Dans ces maisons, le voyageur ne coupera pas aux coutumes locales, en particulier aux dîners festifs qu’affectionnent tous les Géorgiens, avec le khatchapouri local (sorte de pâte brisée au fromage de brebis ou de vache), les khinkalis (un genre de raviolis juteux à la viande) accompagnés bien sûr d’un verre de tcha tcha (ou cha cha) à 40 degrés.
A son retour à Telavi, ville principale de la Kakhétie, après 5h de route en 4x4 pour faire les 150 km qui séparent cette ville du cœur de la Touchétie, le voyageur ne se souviendra plus que d’une seule chose : il a été au paradis.
Hélène Despic
Directrice de Nouvel Est