Qu’y a-t-il de plus insolite qu’un berceau ouzbek ? A première vue pourtant, rien d’étonnant. En Ouzbékistan, ce petit lit d’enfant se présente comme une petite balançoire horizontale surmontée d’une barre de bois qui sert à le transporter d’une pièce à l’autre. Dans le fond de l’objet, un ou deux petits matelas chatoyants. Et sur les côtés, souvent mais pas toujours, une sorte de rideau plissé qui permet d’obscurcir la vue de l’enfant afin de lui permettre de s’endormir plus vite ou bien un voile qui fait fonction de moustiquaire.
Ce n’est qu’en se penchant qu’on aperçoit que ces matelas sont troués, tout comme le fond du berceau, et que dans cet orifice situé au niveau des fesses de l’enfant se trouve un petit pot destiné à accueillir les déjections du bébé. L’enfant doit rester au sec. C’est l’alpha et l’oméga du berceau ouzbek. Pour ce faire, il existe deux petits instruments en bois que l’on glisse entre les jambes du bébé, emmailloté serré. Pour les petits garçons, il s’agit d’un objet en forme de pipe avec tuyau et pour les filles un objet en forme de cuillère, lui aussi muni d’un tuyau. Ces deux instruments guident le pipi du bébé jusque dans le pot qu’on n’a plus qu’à vider au matin. On peut trouver cela judicieux, car ce système épargne aux parents le travail supplémentaire qu’impose l’utilisation de couches, mais on peut aussi trouver cela cruel, car pour être efficace il exige que l’enfant, sous ses couvertures de soie, ait les jambes entravées et la poitrine attachée.
Quoi qu’il en soit, les Ouzbeks sont très fiers de cette tradition et la visite des rayons « berceaux » au marché Chorsu de Tachkent est un des must de tout voyage en Ouzbékistan. S’ils se vendent toujours, et dans de telles quantités, c’est aussi la preuve qu’aujourd’hui les jeunes parents, y compris en ville, n’hésitent pas à acheter ce type de berceau. Même si, selon la coutume toujours vivace, il revient aux grands-parents maternels du bébé d’offrir ce berceau ouzbek au nourrisson. Avant de participer à une grande fête du berceau où un imam procédera aux bénédictions d’usage en présence des anciens du quartier, de la famille et des amis. Ceux qui n’auront pas l’occasion d’assister à cette fête ni de faire leur marché en ville peuvent toujours aller contempler un magnifique berceau en bois au palais du khan, à Kokand, dans la vallée de Fergana.